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L'HOMME
AUX 1000 TORTUES

Damien Chevallier, Président d'honneur du collectif anti braconnage répond à nos questions. Chercheur spécialiste des tortues marines :

Marine Turtle Specialist Group, à IUCN

Doctorat en Biologie des organismes et des populations.
Directeur de thèse sur des sujets portant sur les tortues marines, en Martinique, Guyane et à Mayotte.

ENTRETIEN.

15 années passées sur le terrain des tortues marines à faire progresser la recherche et les connaissances. Intéressons-nous à notre Président d’Honneur : Damien Chevallier, chercheur au CNRS sur les tortues marines à travers le monde. Partageons son étude et sa vision sur la situation des tortues de Mayotte.

Collectif

Damien Chevallier

Merci Damien d’accepter d’être Président d’Honneur de notre collectif ; nous sommes très fiers de ton soutien et avons hâte de collaborer avec toi à la préservation des tortues de Mayotte. Tu nous donnes de la force !
Je suis admiratif face à l’implication des bénévoles et leur investissement. C’est très important pour un chercheur qui vient sur un site où il y a un historique en terme de suivi (Cf Saziley), que des personnes soient engagées pour la conservation et la recherche. Comme en Martinique et en Guyane, cette implication donne du baume au cœur.

Serait-il intéressant d’étendre les recherches à différents sites de ponte ?

Saziley serait représentatif de l’évolution des populations de tortues vertes à Mayotte (500 et 700 pontes/an). Mais il est important de faire des suivis sur d’autres sites qui sont aussi très fréquentés par les tortues vertes (Papani, Moya, Titi Moya, Charifou, Sohoa, Mtsanga Chanfi, Moutsoumbatsou, Mtsanganyamba, Mtsangafanou,…), car on ne sait pas si ces populations sont liées au niveau génétique. Même si certaines études ont été réalisées sur le site de N’Gouja, on a tout à apprendre sur le site de Saziley et sur d’autres sites à Mayotte car on ne connait rien entre le lien génétique des tortues de Mayotte et d’autres populations, on ne sait pas où vont migrer ces tortues. Partent-elles sur les côtes africaines ? Partent-elles sur d’autres îles à des milliers de kms ? Identifier ces zones d’alimentation finale et durant la période de reproduction est nécessaire.
Il est donc très important d’assurer un suivi des femelles pondeuses sur les plages et durant les migrations intra ponte.

La protection des habitats est-elle un préalable à un suivi exhaustif et à des études scientifiques?
Si les herbiers ne sont pas de bonne qualité, les tortues vertes disparaitront.
Sur les plages : éviter tout aménagement, toute pollution lumineuse et empêcher le braconnage. Il est inutile de protéger une espèce si vous ne protégez pas son habitat car sans une lutte efficace contre le braconnage (et la consommation), les tortues sont condamnées ! Le braconnage a entrainé la disparition totale des tortues marines dans certaines régions du monde, notamment dans l’Océan indien.
Une opération à succès a été menée en Guyane dans la lutte anti-braconnage. L’OFB de Guyane a permis de réduire drastiquement le braconnage grâce à des actions nocturnes (planques) et diurnes (patrouilles). Les braconniers, ne sachant plus où ni quand ils allaient être confrontés à la Police, ont cessé leurs méfaits !
Je me suis senti en sécurité sur le site de Saziley mais à Mayotte, les autres sites ne sont pas envisageables en terme de suivi, dans l’état actuel des choses. Le braconnage empêche toute étude scientifique et toute information sur l’état des populations. Les tortues de Mayotte sont mises en danger car elles ne sont pas protégées.

Que devrait-on mettre en place pour obtenir une meilleure protection des habitats naturels ?

Sur terre. Lutter efficacement contre le braconnage, c’est être présent régulièrement sur les plages pour faire de la dissuasion passive et active, avec une police de l’Environnement qui s’implique dans la lutte.

En mer. Grâce au suivi en mer, on est capable d’identifier les zones d’alimentation et de repos des tortues marines quel que soit l’espèce. Pour la tortue verte de Mayotte, un suivi permettrait d’identifier des zones côtières d’alimentation durant la saison de reproduction. Pour ce faire, limiter tout impact des plaisanciers, tout aménagement sur ces récifs et sur les herbiers permettrait aux tortues vertes (et aux autres espèces : dugong,…) de s’alimenter. Ainsi, les institutions pourraient cibler les zones à protéger en priorité.

La tortue marine, espèce parapluie ?
Oui, par son activité, elle va protéger d’autres espèces. La tortue verte, herbivore, va avoir un rôle très important dans le développement et la dynamique des herbiers. Leur pression d’herbivorie (broutage) va permettre à différentes espèces de se développer dans des nurseries pour poissons et crustacés favorisant ainsi l’augmentation et la pérennité de différentes espèces de poissons (utiles aussi à l’activité piscicole). Là où il y des tortues vertes, la diversité spécifique est la plus importante. 

En ponte, le comportement des tortues de Mayotte est-il différent du comportement des tortues en Guyane ou en Martinique ?
On a différents caractères chez les tortues marines. Pour avoir suivi des milliers de tortues vertes en Guyane et en Martinique, j’ai trouvé le comportement des tortues vertes en ponte sur le site de Saziley différent ; elles sont très stressées ! Ces tortues sont constamment en vigilance et cela peut être dû au fait qu’elles soient toujours braconnées. Les tortues en hyper vigilance auraient peut-être échappé aux braconniers. Les tortues moins vigilantes quant à elles auraient été victimes du braconnage. Une tortue en vigilance constante sera beaucoup plus sensible à la présence de prédateurs, de braconniers ou de personnes sur la plage, évitera de monter. Sur du long terme, il est possible de se retrouver avec une population de tortues vertes à Mayotte qui soient en hyper vigilance !

Les tortues communiquent elles entre elles ? Si oui, peuvent-elles prévenir d’un danger potentiel ?
1ère mondiale : les tortues émettent des vocalises. Cette étude montre différents panels de vocalises liés à différentes activités des tortues marines. Grace aux caméras embarquées et aux hydrophones, j’ai pu mettre en évidence qu’elles interagissent, avec des proximités qui rappellent celles des mammifères. On est parti de l’idée de tortues «très solitaires» et on est très loin de cette théorie. Elles communiquent donc entres elles et pourraient avertir d’un danger potentiel sur les plages comme dans l’eau.
On cherche à déceler la vocalise de détresse et de fuite chez les tortues vertes. Puis on l’implantera dans des pinger (appareils) sur des filets pour limiter les captures accidentelles, en collaboration avec les pêcheurs.
https://www.dailymotion.com/video/x81n0bi

Avez-vous à enseigner de nouvelles connaissances ?
Tous les travaux que je mène ont pour seul objectif la conservation des tortues marines. Cette conservation passe par la sensibilisation et l’implication des acteurs locaux et des mahorais Il est nécessaire d’impliquer les enfants dès le CP. A cet âge, ils sont le plus réceptif et seront garants de la préservation de ce patrimoine. Pour que la population locale participe à cette conservation, elle doit se mettre en action. Embaucher des mahorais volontaires, acteurs de la conservation, permettraient d’améliorer les connaissances de ces tortues pour mieux les protéger. 
Les martiniquais se sont appropriés leur patrimoine naturel et ont envie de le protéger. Les enfants que l’on sensibilise ont besoin de s’identifier et de se projeter sur des acteurs qui leur ressemblent. Sans cette identification, les  discours de conservation sont vains.

Quelles sont les incidences sur le succès à l’éclosion et le sex-ratio des tortues marines ?

Récupérer les tortillons sortant du nid pour étudier le succès à l’éclosion et déterminer le sex-ratio (% male femelle).
Le sexe est déterminé par la température du nid. 
La température pivot de 29 °C.
Mâle : temp. > 29 °C. Femelle : temp < 29 °C
Etudier les variables environnementales pourrait avoir une influence sur ce sex-ratio.
Comme les organes sexuels ne sont pas développés, on différenciera les mâles des femelles à partir de prise de sang (1 goutte prélevée), une analyse déterminera le sexe.
Ces tortillons étant trop petits pour être balisés, aucune technologie ne permet de les suivre en mer.
Avec toutes ces femelles braconnées, on a moins de production d’œufs. Avec 1 tortue pour 1000 qui atteint la maturité sexuelle, on peut être très inquiet par rapport au devenir de ces populations.
Une lutte anti braconnage intense s’impose !
Compte tenu des populations de tortues vertes qui viennent se reproduite à Mayotte, je suis très motivé pour poursuivre ces études de suivi des populations de tortues vertes sur terre et en mer, à Mayotte, quand les conditions seront réunies.
Améliorer la connaissance et mieux les protéger sur les 10 années à venir est une mission que j’aimerais porter !

. Damien Chevallier, Président d’honneur du Collectif

 

Propos recueillis par Catherine Ramousse
Fondatrice du Collectif

Les tortues parlent

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